News

 

L’élévation du niveau de la nappe phréatique qui menace le plateau de Guiza suscite encore une fois une polémique. Les responsables du Conseil Suprême des Antiquités (CSA) et les spécialistes ne sont pas sur la même longueur d’onde. Débat.

 

 

 

 

 

Menace sur le gardien des pyramides

 

Une fois de plus, la question des eaux souterraines sur le plateau des pyramides de Guiza revient comme un leitmotiv. Cette affaire dure depuis plus de 15 ans. Elle surgit de temps à autre, mais le problème est toujours là. Cette fois-ci, les choses sont plus graves puisque le niveau de l’eau s’est élevé de façon visible et effrayante. En fait, une intervention rapide est indispensable afin de sauver le site d’une vraie catastrophe. Bien que le danger soit visible pour beaucoup de spécialistes, le ministre d’Etat pour les Affaires des antiquités, Mohamad Ibrahim, nie carrément l’existence du problème, voire il a déclaré que le Sphinx est à l’abri des risques de l’élévation du niveau de la nappe phréatique. 

En fait, des études et des recherches archéologiques ont été faites dernièrement par des spécialistes de la faculté d’ingénierie en collaboration avec le ministère des Antiquités ainsi que le gouvernorat de Guiza afin de pouvoir calculer le taux des eaux souterraines et leur accumulation. De même, des études sur le sol et sur le corps du Sphinx ont été effectuées. « Des compagnies spécialisées ont peaufiné un projet complet à long terme afin de pouvoir résoudre ce problème sans aucun danger », explique Mohamad Al-Cheikha, directeur des projets au CSA.

Ce projet a commencé il y a un an et demi, par la distribution de plus de 18 pompes afin d’aspirer l’eau supplémentaire. Ali Al-Asfar, directeur du site, a souligné que les pompes extraient 26 000 m3 d’eau par jour, environ 1 100 m3 par heure. Ainsi, le niveau de l’eau sous le Sphinx est en sécurité, soit à 15 m au-dessus du niveau de la mer. Le projet mis en œuvre a coûté 24 millions de L.E. (3 millions d’euros) accordées par l’Organisme américain d’aide internationale (USAID). Ali Al-Asfar a annoncé que ce financement vise en premier lieu la réduction du niveau de la nappe phréatique, notamment en dessous du temple de la vallée de la pyramide de Khéphren.

En fait, le Sphinx et la Vallée des temples, situés à un niveau inférieur de celui du plateau de Guiza, avaient été les plus affectés par l’eau. Les nouveaux réseaux de drainage du quartier voisin Nazlet Al-Semmane, de Hadayeq Al-Ahram et l’irrigation des jardins publics des zones résidentielles alentour sont les causes premières de cette montée des eaux souterraines selon le directeur du site.

« Le plus important est que l’eau infiltrée n’était pas polluée. C’est de l’eau potable utilisée par les habitants du site », explique Ali Al-Asfar.

Par contre, des spécialistes en hydrogéologie ont exprimé leur inquiétude quant à une forte baisse du niveau de l’eau souterraine qui pourrait déséquilibrer le sol, entraînant ainsi un grand risque pour les monuments et, à long terme, un possible effondrement du Sphinx et des trois pyramides. Ali Al-Asfar a démenti cela en expliquant que les pompes sont automatisées, le système s’arrêtant lorsque l’eau retombe à 15,5 m au-dessus du niveau de la mer. Le niveau de l’eau a été fixé à 4,6 m en dessous du sol, autrement dit le même que pendant l’Egypte ancienne.

« Ce n’est pas tout, plus de 30 autres puits d’inspection ont été creusés pour surveiller de près le niveau d’eau et pouvoir intervenir rapidement afin de régler définitivement ce problème », commente Dr Mohamad Al-Cheikha.

Ces solutions appliquées par les responsables du CSA n’ont convaincu ni les archéologues, ni les géologues. Certains archéologues ont confirmé que le Sphinx est déjà entouré par l’eau souterraine, ce qui menace son écroulement, outre le problème de l’eau calcaire et du calcium qui a atteint le sommet du Sphinx. Pour sa part, le ministre a complètement nié les déclarations de ces archéologues. « Ce n’est pas du tout vrai. Il n’y a aucune fissure dans le corps du Sphinx. Il est en bon état. Des comités spécialisés l’examinent régulièrement. Notre objectif est de maintenir nos monuments en bon état. C’est notre trésor », conclut Dr Mohamad Al-Cheikha. Les deux parties ne cessent de se jeter la balle. Le Sphinx demeure la victime de la négligence des responsables.

Nasma Réda

El Haram hebo (août 2012)

/