Juste à côté de l’entrée du palais de Mohamad Ali, situé sur l’île de Roda dans le quartier de Manial, se trouve la mosquée du palais. Construite au début du XXe siècle par le prince Mohamad Ali Tewfiq, l’oncle du roi Farouq et régent du trône, cette mosquée vient d’ouvrir ses portes aux fidèles après dix ans de fermeture. « Le prince Mohamad Ali priait cinq fois par jour. Seulement au vu du cortège qui devait l’accompagner à chacun de ses déplacements, ses allers-retours à la mosquée étaient peu pratiques, et il a décidé de construire sa propre mosquée où les princes, les ministres et les membres de la famille royale étaient invités à venir prier avec lui. Les manuscrits du prince, trouvés dans le palais, assurent que le roi Farouq est venu plusieurs fois prier avec le prince Mohamad Ali dans cette mosquée. Un grand hall à côté de la mosquée était dédié à l’accueil de cette élite », explique Walaeddine Badawi, directeur général du palais, ajoutant que le prince permettait également aux employés et aux ouvriers du palais de prier à ses côtés.
Bien qu’elle ne soit pas très grande, cette mosquée rectangulaire est d’une richesse architecturale et artistique hors du commun. « C’est le prince Mohamad Ali lui-même qui a dessiné le plan de la mosquée tout comme le plan du palais. Malgré ses études militaires, il était un excellent ingénieur et dessina un bâtiment harmonieux mariant à merveille architecture andalouse, maghrébine et ottomane », assure Badawi.
Les alentours de la mosquée appartiennent à l’architecture maghrébine. La porte d’entrée en bois est minutieusement sculptée et ornée de ciselures en cuivre comme celle de la tour appelée « la tour de la montre » qui joue le rôle de minaret. On retrouve également le style maghrébin dans l’espace du sabil, mitoyen de la mosquée et qui permet aux fidèles de faire les ablutions d’avant-prière. Juste à l’entrée de la mosquée, une stèle en mosaïque indique la date de construction : l’an 1352 de l’hégire. Elle rend aussi hommage aux différents maîtres-d’oeuvre du palais : céramistes, tapissiers ou entrepreneurs.
Couleurs, formes et matières
Une fois à l’intérieur de la mosquée, le visiteur se retrouve face à une multitude de couleurs, de formes et de matières. Les effets d’ombres et de lumières et les multiples ouvertures des plafonds produisent un jeu de faisceaux lumineux qui confèrent au lieu une atmosphère spirituelle singulière. Le visiteur, soumis à un respect naturel des lieux, se retrouve plongé dans la contemplation des hauts plafonds dont le bleu et le marron des bois sculptés dominent.
Le style andalou se trouve également dans les tapis antiques et sur les murs. L’art ottoman transparaît également dans la calligraphie des versets du Coran qui ornent le haut des murs. Le minbar de la mosquée est un véritable chef-d’oeuvre fait d’arabesques et décoré de superbes sculptures. Les fenêtres sont toutes sculptées de la même façon, afin d’assurer une bonne aération à la mosquée. Quant au plafond, il est finement décoré. Divisé en deux parties, la première est formée d’éléments en bois sculpté, d’où tombent des ornements en forme de stalactites. Chaque élément se termine par un vitrail coloré qui donne une ambiance lumineuse unique à la mosquée.
La seconde partie du plafond reprend le symbole politique de l’Empire ottoman : un soleil entouré de rayons en lignes droites. Ce symbole représentait le rayonnement de l’Empire, à savoir que chacune de ses lignes symbolisait un des pays de l’Empire. « Le prince a beaucoup voyagé pour rapporter des matériaux de choix de l’étranger. Il a importé la céramique de la ville d’Eznek en Turquie, les tapis d’Iran et des espèces rares de plantes des jardins royaux d’Europe », indique le directeur du palais.
L’ouverture de cette mosquée au grand public vient répondre au désir du prince Mohamad Ali de transformer son palais en musée après sa mort, afin, avait-il dit, « d’honorer les arts islamiques ».
Dalia Farouq08-06-2016 Ahram Hebdo