A l’école des potiers de Tounès

C’est à 150 km du Caire, au cœur de l’oasis, que se trouve l’école d'Evelyne Porret et Michel Pastore. Un lieu pas comme les autres qui forme depuis 1989 des enfants du village à la poterie. Rencontre

En bordure du lac Qarun, le village de Tounès offre un cadre idyllique. La plupart de ses habitants y exercent une activité agricole. Cependant, ce village, qui pourrait paraître comme les autres au premier abord, présente une originalité. Depuis 1989, un couple suisse y a installé une école de poterie. La philosophie de l’endroit est simple comme l’explique Evelyne Porret. Partout dans le monde, les enfants utilisent des matériaux simples pour en faire des jouets. Au Fayoum, ils jouaient avec de la boue et en faisaient des animaux qu’ils laissaient ensuite sécher. Conformément à cet esprit, le propos de l’école est d’apprendre aux enfants une technique tout en laissant leur créativité intacte. Cette recette est un succès. Le nombre d’enfant venant apprendre dans cette école a été croissant. Pour la rentrée 2007, 35 enfants du village et des alentours sont inscrits. Six anciens élèves ont, en outre, ouvert leurs propres ateliers (3 individuellement et 3 se sont regroupés pour créer un projet collectif).
Une école au fonctionnement original
Mahmoud Mohamed a 18 ans. Il a commencé la poterie à 9 ans. "Au début c’était un jeu. J’aimais bien jouer avec l’argile. Je faisais des figurines d’animaux, puis, je me suis pris au jeu. J’aime la poterie et j’envisage d’en faire mon métier. Au fur et à mesure que notre savoir grandi, nous enseignons aux plus jeunes". Le fonctionnement même de l’école repose sur cette logique d’entraide entre les plus jeunes et ceux qui ont déjà quelques années d’apprentissage. Le four où l'on fait cuire les créations (Photo Stéphanie Salha-LPJ)

L’école est mixte. Plusieurs fillettes sont ainsi venues, étudier la poterie avec Evelyne. Cela représente un changement considérable dans le monde rural égyptien. En effet, la femme y est généralement cantonnée à son intérieur et aux travaux des champs. Il est vrai que les temps changent et qu’à Tounès les petites filles fréquentent l’école. Cependant le principe même de l’enseignement d’une activité extra solaire qui peut être synonyme d’émancipation est nouveau. Une des anciennes élèves d’Evelyne a d’ailleurs ouvert un atelier de poterie. Amal, 11 ans, nous raconte : « J’ai commencé la poterie à 5 ans. Pendant l’année scolaire, je ne viens que deux heures par jour après les cours. Je fais des arbres, des fleurs, des animaux.». Par l’intermédiaire de la poterie, ces jeunes filles commencent à réfléchir à leur avenir de façon différente. Amal nous confie ainsi en riant : "Evelyne dit toujours qu’avant de me marier il faut que j’exige de mon futur mari qu’il me laisse continuer à faire de la poterie." Les œuvres des enfants sont vendues. Une partie de la somme leur est reversée tandis que l’autre est consacrée à la maintenance et au développement de l’école.


Stéphanie Salha (le petitjournal.com) Dimanche 17 mars 2013


Les créations des enfants du Fayoum et d’Evelyne sont disponibles sur place et aussi chez Nagada au Caire.

Adresse : Nagada : 13 rue Refa’a, Dokki. Sur internet : http://www.nagada.net